Discours prononcé à l'occasion de l'enterrement de Félix Kassowitz par son ami et collègue,  Kaján Tibor.
(Traduit par Peter Kassovitz)

Mes chers amis

Il n'est pas facile de trouver les mots pour évoquer un ami dont le talent, l'oeuvre, et l'humour ont fait partie de votre propre vie. Maintenant que le souvenir fait revivre les étapes de la vie de Kassowitz Felix,  graphiste émérite, décoré du prix Munkácsy, caricaturiste inimitable, la douleur laisse la place d'apaisement dans notre coeur. Puisque sa vie elle mème a eu cette rondeur accomplie de ses dessins  qui rayonnent de charme et d'esprit.

Tout d'abord je veux dire adieu à l'artiste, au nom de mes collègues et des divers organisations artistiques. Kassowitz Félix a occupé une place exceptionnelle dans la vie artistique hongroise et plus spécialement dans le domaine du graphisme et de la caricature.  Peu d'artistes ont eu la possibilitée de renouveler  le style de toute une époque et exercer une influence aussi prépondérente sur les collègues.  Les décorations et les prix qu'il a eu témoignent de ce qu'il a apporté de la vie artistique hongroise.

Kassowitz Félix a travaillé jusqu'à ses 22 ans comme  sténographiste, notant avec dextérité et précision les nouvelles du monde. Plus tard, le crayon de sténo est devenu l'instrument du caricaturiste et les nouvelles qu'il transcrivait la matière mème de ses dessins. En fait ses premiers dessins sont nés au cours d'une longue hospitalisation.  Cela s'est passé dans les années trente á Paris... A cette époque, le jeune caricaturiste a pu conter sur l'aide de Vértes Marcell et de Major Henrik et bientôt on pouvait voir les caricatures de Kasso dans le journal satirique LE RIRE.
Après son retour en Hongrie, en 37,  il est devenu le collaborateur de plusieurs journaux satiriques hongrois tels que "Pesti Hirlap, Magyarország, Tükör".
Mais il a également pris une part important dans la naîssance du cinéma d'animation hongroise.
Au début de sa carière, il s'est inspiré de l'oeuvre de Georg Grosz, qui dénonçait les injustices de la société de l'époque. Mais son tempérament aspirait d'une expression plus optimiste et il a créé son propre monde original, en développant un style d'une grande simplicité graphique.
Son exemple a changé le dessin satyrique de l'époque, y aportant l'air frais du printemps. Apès ses illustres prédessesseurs, le grand Mülhbeck Károly ou l'excellent Gáspár Antal, il a imposé son style simple, claire et pourtant plein d'esprit.
"Son exemple a créé une école et transformé tout l'art de la caricature dans notre pays.  C'est un fait hstorique"... a-t-il noté l'historien d'art Szegi Pál, l'irremplable connaisseur de notre domain.
Il est en effet primordial que nos experts se penchent sur l'oeuvre de Kasso. Ne serait-ce que pour étudier ses rapports avec les arts populaires. Comment ses compositions, claires et visibles, proches de la pureté des dessins enfants, se sont nourris de l'ordre élaboré de notre folklore.
Car il a eu le génie de la simplicité, ayant reconnu le parenté de la caricature et des arts primitifs.

Dans une époque difficile, dans un monde qui se déchirait, Kassowitz Félix nous a apporté  la médecine de l'humour.
Cet humour ne venait pas seulement de ses dessins, mais de toute sa personne. C'était un plaisir de travailler avec lui. Comme si les "ö" du mot hongrois "öröm" qui veut dire plaisir, étaient déssinés par lui.
Son bureau reflétait l'ordre, le calme et la conscience de soi qui émanait de lui. Il a toujours aidé, comme un père, les débutants, donnant des conseils, corrigeant les défauts, éveillant la confiance pour trouver le chemin personnel.

Homme libre et indépendant, Kasso n'a jamais cherché les honneurs. Il n'a jamais conté sa fatigue pour aider les autres. Il a participé, de la manière la plus amicale et la plus professionnelle, dans les différents forums du métier, dans l'organisation des exposition et de la profession dans son ensemble. Il savait tout faire, sauf de haÔr. Si parfois il s'est mis en colère, on pouvait toujours voire derrière ses yeux le petit lutin fantasque qui allait résoudre les problèmes avec son charme si particulier.
Car Kasso avait cette faculté de comprendre et aimer le travail des autres. Il aimait les gens, il aimait la vie.
Il aimait pardessus tout raconter les succés de son fils Peter ou louer sa femme Bözsi qui veillait sur son foyer et lui donnait un cadre de vie.

A présent qu'il nous a quitté, il va rejoindre dans sa tombe son frère, Kasswitz Emil, l'artiste peint talentueux, tué jeune dans la tempète de la guerre, que je ne connais que d'après son autoportrait, une gravure de la manière de Mazarel.
Je voudrais que le dernier mot rappelle nos réunions amicales. Je voudrais t'appeler une fois encore Félix.
Ces dernières années, tu fabriquais des dessins géniales pour les journaux spécialisés dans les énigmes et rébus. Mais ce dernier rébus, le rébus de ta vie, restera  toujours irrésolu.

Maintenant mon cher Félix, que tu t'es débarrassé de la souffrance de la maladie, tu devrais être "heureux", comme le dit si bien ton nom, puisque le cercle bien dessiné de ta vie s'est bouclé. Tu nous laisses le souvenir d'une vraie vie et le témoignage de plusieurs miliers de tes dessins. Tu sera toujours présent dans les traits et le coeur des graphistes des futures générations.
Cher Félix, Adieu